Lente asphyxie du monde associatif : « On voudrait supprimer l’associatif qu’on ne s’y prendrait pas autrement »

Le fait associatif en Belgique vit un moment critique de son histoire. Une succession inédite de décisions politiques, justifiées par des nécessités d’économie, une rationalisation budgétaire et/ou une simplification des financements publics, affaiblit progressivement le secteur au point de menacer son existence et les innombrables services à la population qui sont rendus. En mars 2024, Alda Greoli, ancienne ministre de la Culture (en FWB) et de l’Action sociale (en RW), alertait sur cette dérive en déclarant : « Si on voulait supprimer l’associatif, on ne s’y prendrait pas autrement », en dénonçant la surcharge administrative et les entraves bancaires imposées aux associations. Aujourd’hui, la situation s’est encore aggravée : suppression des subventions facultatives répondant à des besoins structurels, gel voire suppression pure et simple de l’indexation des subventions de plusieurs dispositifs réglementaires, baisses de financement atteignant jusqu’à 25 % dans certains secteurs, réduction de la déductibilité fiscale des dons aux ASBL… Ces coupes restreignent considérablement les ressources déjà étriquées des associations et menacent directement leurs missions au travers des emplois qu’elles soutiennent. Il ne s’agit plus d’une simple logique de rigueur budgétaire, mais d’une attaque organisée provoquant une asphyxie de plus en plus rapide du tissu associatif.
Un impact cumulatif désastreux
Le modèle associatif belge repose sur un équilibre périlleux entre financements publics variés – généralement insuffisants – et autres sources de revenus. Or, même si certains responsables politiques assurent vouloir préserver ces financements, ils et elles refusent de reconnaître que les coupes budgétaires, bien que présentées comme anodines prises individuellement, ont un impact cumulatif désastreux. Cette politique d’étranglement se renforce par le cumul des mesures à tous les niveaux de pouvoir – fédéral, régional, communal –, créant un effet boule de neige qui met en péril les missions essentielles des associations. Les Engagés répètent que sans eux, la situation serait pire… Faut-il donc se résigner à accepter le moins pire plutôt que d’organiser le juste et le souhaitable et admettre de disparaître à petit feu ? Est-ce vraiment cet avenir du modèle associatif auquel nous devons nous résoudre ?
Une déconstruction de la solidarité
Ne nous y trompons pas. Derrière ces mesures budgétaires se cache une transformation idéologique de fond : une marchandisation progressive des services d’intérêt général et une disqualification d’une approche humaniste des politiques publiques au bénéfice d’une stratégie pure de gestion. En fragilisant les associations, le champ politique encourage le transfert de ces services vers des logiques marchandes et privatisées, sous prétexte d’efficacité appréciée sous le seul angle économique. Ce n’est pas une simple question budgétaire, mais bien une déconstruction assumée du rôle de la solidarité dans notre société et le détricotage des initiatives citoyennes. La précarisation des travailleurs et travailleurs du secteur et la disparition d’initiatives d’entraide ne sont que des effets collatéraux de cette politique du « tout au profit ».
L’ensemble de l’économie est affecté
Le désengagement de l’Etat affecte non seulement les associations elles-mêmes, mais également l’ensemble de l’économie sociale. Ces structures emploient des milliers de personnes, souvent dans des secteurs déjà marqués par des conditions de travail peu attractives. En diminuant leur financement, on met à mal des emplois, on affaiblit les mécanismes de solidarité et on expose davantage de salarié·es et de bénéficiaires à la pauvreté. Les mesures antisociales de l’Accord de l’Arizona ne font qu’aggraver ce phénomène. En outre, cette politique met en péril plusieurs Fonds sociaux mis en place par les partenaires sociaux pour financer la formation et la création d’emplois – des instruments dont le financement dépend directement du nombre d’emplois ouvrant droit aux cotisations sociales patronales mutualisées.
Les conséquences de cet affaiblissement du secteur associatif seront multiples et concernent l’ensemble de la société. Les associations jouent un rôle fondamental dans le tissu social belge, en suppléant souvent les carences des services publics dans des domaines cruciaux. En les fragilisant, on réduit la capacité des citoyen·nes à s’organiser collectivement face aux défis contemporains : lutte contre la pauvreté, soutien à l’insertion socioprofessionnelle de toutes et tous, prévention en matière de santé et développement d’actions communautaires, accueil des migrant·es…
Préserver notre modèle social
Il est impératif de réagir avant que ce processus ne devienne irréversible. Défendre le secteur associatif ne relève pas d’un combat corporatiste, mais bien de la préservation d’un modèle sociétal démocratique basé sur la solidarité et l’inclusion. La reconnaissance de l’utilité publique des associations doit (re)devenir une priorité politique : ce n’est ni un luxe ni une option, mais une nécessité. Si rien n’est fait rapidement, nous assisterons à la disparition progressive d’un des piliers fondamentaux du vivre-ensemble en Belgique avec les conséquences que l’on peut deviner aisément dans un contexte mondial qui cristallise la diversité. L’alerte est donnée : nul ne pourra prétendre ne pas avoir su.
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Le véritable caritatif, c'est un secteur à encourager, car il fait du bien meilleur travail (mieux ciblé) que les aides publiques officielles (genre allocations de chômage et réductions en tous genre), généralement distribuées avec bien trop peu de discernement. Mais en revanche, le socio-cul est bien trop politisé à la woke et ne mérite pas les subsides qu'on lui accorde.
Comment savoir quel est le montant total des subventions accordées à ces associations, quels sont les contrôles effectués et quelle est leur efficacité réelle?
A tous les boutiquiers du matin, je recommande la lecture de l'édito de La Libre. C'est tout ...
Dans la représentation du monde chez Moriaux, les boutiquiers sont aux fonctionnaires ce que les péquins sont aux militaires : des civils (dans le sens de "courtois" évidemment).
Par boutiquiers, vous voulez sans doute désigner ceux qui veulent dépenser l'argent à bon escient?